Médaille Jean-Paul Marsan pour l'innovation en interdisciplinarité MMXXI
À Val-D'Or, il y a un poste de police et une clinique psychiatrique sous le même toit! Le CISSS Abitibi-Témiscamingue remanie complètement son approche pour joindre les clientèles vulnérables qui vont rarement consulter. Psychiatre, infirmière, travailleuse sociale, policiers, pharmaciens et intervenants sortent des sentiers battus aux bénéfices des patients et de leurs environnements en offrant un service spécialisé.
Quelle est la genèse de la clinique ?
Caroline Lapointe, policière : Val-D'Or est une ville qui a des problématiques psychosociales, de consommation et d'itinérance. À la Sûreté du Québec, on avait beaucoup d'appels, mais on manquait de ressources psychosociales.
À l'époque, les gens travaillaient chacun de leur côté. Le comité clinique a été mis en place avec des partenaires clés qui se sont avérés vraiment efficaces. Le fait de s'allier ensemble nous permettait de travailler ensemble, de partager l'information, toujours dans les mesures du légal, pour diriger la personne vers les bons services et travailler dans une approche préventive et de réduction des méfaits. On ne se fera pas de cachettes, il y a le phénomène des portes tournantes pour ces personnes, tant au niveau de la santé que de la judiciarisation.
Le patient devient le pivot de vos interventions, quel est l'impact sur son lien de confiance envers le système?
Dr Sébastien Gendron : De mon point de vue, comme psychiatre légiste, ces gens qui finissent avec des problématiques de judiciarisation, de santé mentale aiguë, de consommation, de rupture sociale, de personnalité; souvent c'est interrelié. On regarde leur parcours, on remarque que dans la dernière année, il y a eu sept interventions par sept intervenants différents, puis il n'y a jamais de suite.
Tu es envoyé à l'urgence, au CLSC, à l'hôpital psychiatrique puis en prison. Voir un visage différent, en plus des problèmes d'attachement, et ajouté à la méfiance fréquente avec des symptômes psychotiques, c'est presque impossible de créer un lien avec ces personnes.
Quelle a été votre solution?
Dr Gendron : Il faut rejoindre cette clientèle où elle se trouve. Le poste de police communautaire mixte autochtone est au centre-ville, près de notre clientèle, alors que notre hôpital psychiatrique est à 30 km de Val-d'Or. J'ai accès à l'information psychosociale, par exemple, le nombre d'appels qu'a généré un patient auprès des policiers. Cela me donne des instruments de mesure vraiment plus précis pour me permettre d'ajuster les interventions. Avec la souplesse, les intervenants sont les mêmes. Cette stabilité est précieuse. Il y a une présence continue. Je vais voir les patients au poste de police, dans la ruelle, au centre d'hébergement d'urgence... On constate des changements marqués.
Pourquoi les policiers ont-ils embarqué dans l'aventure ?
Mme Lapointe : La police, c'est souvent action-réaction. Quand on travaille avec les intervenants sociaux, on apprend à prendre notre temps pour entrer en relation avec la personne et les outils pour mieux intervenir. On peut prévenir les crises, réduire les méfaits. On comprend mieux ce qui se passe avec elle et la met en lien avec son équipe médicale pour éviter que la situation s'envenime.
C'est le premier endroit à la Sûreté du Québec où on applique un modèle de police de proximité, ce n'est pas un poste de police traditionnel. Notre lieu est connu des usagers, ils viennent régulièrement nous rencontrer, prendre une collation, parler avec les intervenants. Ils ont hâte de revoir Dr Gendron, ils ont une expérience positive avec la psychiatrie et prennent davantage soin d'eux. On constate une diminution des appels au 9-1-1.