Prix Hippocrate 2021: Prix émérite MMXXI
ENTREVUE AVEC DANIEL PARÉ, DIRECTEUR DE LA CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA COVID-19
Comment l'idée d'inclure les entreprises dans la campagne de vaccination s'est forgée?
Nous avons regardé l'état des ressources humaines et l'implication de nos pharmacies communautaires. En janvier, par hasard, Marc Parent, le PDG de CAE et son équipe nous ont dit : « Dans le domaine de l'aviation, c'est nous qui souffrons probablement le plus de la COVID, que pouvons-nous faire pour aider? ».
Initialement, on pensait que ça serait seulement destinés à leurs employés, comme pour la vaccination contre la grippe. Finalement, les entreprises ont offert leurs sites de vaccinations dans leur communauté.
Comment le mouvement a-t-il pris de l'ampleur?
M. Parent et son équipe ont fait des appels directement dans leur réseau (associations d'employeurs, chambres de commerce), afin de stimuler des grandes entreprises et ça a été un succès. Ils sont grandement responsables de la réussite de ce projet.
Au sein du réseau de santé, je vous avouerai que certains avaient des résistances : « ils ne connaissent pas notre langage, ils n'ont jamais vacciné, ils n'ont pas l'expertise, ni l'expérience ». Nous avons travaillé ensemble pour trouver un modèle de partenariat efficace.
Comment la tâche a-t-elle été répartie entre le public et le privé?
Nous avons été responsables de la qualité de la vaccination et de Clic Santé. Les entreprises ont fourni leur engagement, les emplacements, et bien sûr les ressources humaines (vaccinateurs, gestion des inventaires, accueil, coordination) Elles ont embarqué dans cette belle folie pour offrir la même qualité du site de vaccination en entreprise qu'au public.
Une petite anecdote cocasse, au début, je rassurais les entreprises en disant qu'on ne leur demanderait pas de vacciner avec les vaccins à moins de 70 degrés comme Pfizer ou Moderna. Finalement, 90% des vaccins qui ont été donnés furent ceux-là et ça s'est très bien fait.
Quel était l'avantage pour les entreprises? Comment éviter les passe-droits?
Il ne fallait pas qu'il y ait de faveur. Leurs employés n'ont pas bénéficié d'une vaccination en avance par rapport à leur groupe d'âge. Tous les groupes d'âge, les dates ont été respectés. C'est une question éthique.
L'avantage, ce fut réellement de contribuer. La notion de dire : « Si nous contribuons, nous vaccinerons plus vite et nous serons capables de reprendre nos activités plus rapidement ». Il y a eu aussi un grand sentiment d'appartenance de la part des employés, une fierté de faire partie d'une organisation qui fait une différence socialement, d'aller à la guerre ensemble. D'ailleurs, à la fin de l'expérience, il y a eu des cérémonies de clôture, les gens étaient tristes.
Est-ce un modèle que vous avez vu ailleurs?
Non, à ma connaissance, il n'y a pas d'autres provinces qui l'ont fait. Nous sommes la seule au Canada. Quand on se demande pourquoi notre taux de vaccination est plus élevé ici, je crois que la contribution des entreprises est un facteur majeur. Cela a envoyé un message d'appui pour la vaccination, en plus du gouvernement ou de la Santé publique.
À l'avenir, pourrait-on s'affilier avec le privé pour d'autres sphères de la santé? Les liens sont tissés, on peut en tisser d'autres pour aller plus vite et plus loin et contrer la pénurie de main-d'oeuvre.
Quand on parle du privé en santé, c'est souvent négatif. Quel est le cadre à conserver pour une relation saine?
Nous avons connu des années où il y avait une proximité dans les entreprises privées et le secteur public. Malheureusement, il y a eu des histoires d'horreur. Il faut suivre des règles d'éthique claires. La technologie simplifie un encadrement, mais ne pas se priver des compétences.
Le privé nous a amenés à faire preuve de flexibilité. J'avais des ingénieurs qui étaient directeurs de campagne de vaccination. C'est un exemple d'humains qui se sont impliqués avec leurs compétences pour une cause commune.
Il faut faire attention de ne pas revenir dans nos vieilles habitudes. Il va falloir garder ce momentum. Les forces d'inertie sont fortes. Avec l'urgence sanitaire, nous nous sommes adaptés. Habituellement, il y a cinq professions qui peuvent vacciner, dans le cadre de la campagne de vaccination, nous en avons 28! Lorsque nous allons revenir vers notre normalité, il faudra que cette innovation demeure.