Médaille Prix du patient MMXXI
Un patient qui se sent seul, un bénévole qui arpente les couloirs sans patient à divertir ou à réconforter était une scène souvent vécue au CHU Sainte-Justine. Coordonner les disponibilités des centaines de bénévoles et les besoins des petits patients dans l'immense hôpital est une tâche complexe! Une nouvelle application change la donne!
Entrevue avec Dominique Paré, chef du service des bénévoles, CHU Sainte-Justine.
Quel est l'élément déclencheur de cette technologie?
À l'époque, les bénévoles avaient un horaire fixe, avec un endroit désigné. Ils cognaient aux portes pour se présenter aux parents et au personnel soignant et répondre aux besoins affectifs et récréatifs des enfants. On se retrouvait avec des unités où il n'y avait aucune demande VS un bénévole débordé par les demandes. La communication était difficile, on ne peut pas faire d'appel à l'interphone. L'hôpital est immense. Les besoins difficiles à prévoir et à coordonner.
J'ai remarqué que ça ne fonctionnait pas. On avait 350 bénévoles et seulement 50% de leur temps était occupé. En 2018, une bénévole est venue me voir pour travailler sur des solutions.
Quand vous êtes-vous dit que la solution passerait par le numérique?
La journée même de ma discussion avec la bénévole, j'ai vu passer l'inscription au Coopérathon des services santé. On s'est dit que ça nous prendrait une application technologique un peu comme on l'Uber, ou le Tinder du bénévolat. Notre image était toujours claire depuis le jour 1. BénéClic était né. On n'a pas gagné, mais notre projet s'est concrétisé.
Durant deux ans et demi, on a travaillé le projet à l'interne. Tout le monde était fou de notre idée, ça nous a toujours motivé. De hauts gestionnaires se sont impliqués. On souhaitait un projet 100% de Sainte-Justine qui réponde à nos besoins, mais qui soit exportable ailleurs.
L'utilisation des nouvelles technologies débute dans le réseau de la santé. Nous n'avions pas les ressources à l'interne pour développer une application de cette ampleur. On a sélectionné la firme internationale Alithya. On a travaillé en mode agile au quotidien. On testait et ajustait les fonctionnalités au fur et à mesure pour nous approprier l'outil. On a fait des focus groups dans plusieurs secteurs (unités de soins, centre de prélèvements...). C'était un beau travail d'équipe.
Comment fonctionne l'application?
Les informations sont affichées dans toutes les chambres. Par exemple, une maman qui est avec son enfant depuis 48h et veut juste aller prendre un café ou une douche peut télécharger l'application bilingue via Apple ou Google Play. Elle peut créer le profil de son enfant avec un avatar, puis très simplement soumettre une demande qui détaille son besoin.
En temps réel, un bénévole qui est disponible peut accepter. Sur son profil, on retrouve son ancienneté, ses intérêts, etc. Nous avons des bénévoles qui parlent plusieurs langues, certains maitrisent même le langage des signes pour un jumelage optimisé avec l'enfant.
Le personnel soignant utilise lui aussi BénéClic et peut aider le parent dans sa demande.
Est-ce que vous vous êtes inspirés d'initiatives simi- laires dans d'autres milieux hospitaliers ?
Non, c'est une idée originale. Il n'existait absolument rien de similaire. C'est transférable au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde. Par exemple, on fait partie du grand réseau de la francophonie Mère-Enfant.
Aujourd'hui, avec l'implantation de BénéClic depuis mai 2021, on a 150 bénévoles actifs, qui comblent 100% de leur temps et 100% des demandes avec l'application. Les besoins avec BénéClic ne cessent d'augmenter. D'autres secteurs au sein de l'hôpital pourraient en bénéficier comme dans les colloques, les rencontres universitaires ou encore les soirées-bénéfice qui requièrent des bénévoles.
Comment l'implantation a-t-elle été possible ?
La Fondation du CHU Sainte-Justine nous a fait confiance et nous a financés à la hauteur de 100 000$. Nous souhaitons la donner en cadeau au réseau de la santé pour partager notre expertise. Nous détenons la propriété intellectuelle et si Alithya fait des collaborations à l'international, une redevance sera versée à la fondation.
Comment voyez-vous la transférabilité de vos connaissances?
Nous avons des pourparlers avec l'Association des gestionnaires des ressources bénévoles du Québec secteur santé et services sociaux. Déjà, plusieurs établissements de santé nous ont contactés à la suite de nos prix au Gala Hippocrate et au Gala des prix TI en santé et services sociaux du Québec.
Je vois vraiment un potentiel en gériatrie. Un peu la situation inverse qu'on peut vivre au CHU Sainte- Justine. Les enfants, tout comme le personnel, pourraient faire la demande pour leur parent qui aimerait recevoir des visites d'amitié.